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Publié le 8 juillet 2011

Monique Cuilleret, pionnière de la prise en charge dès le berceau

Janvier/février 2002 –  Ortho-Magazine – Anne-Marie Cantal, orthophoniste libérale, spécialisée dans la prise en charge des enfants atteints de trisomie et Martine Laleuf

La prise en charge des enfants atteints de trisomie dans les tout premiers mois de la vie permet d’obtenir des progrès considérables sur les plans du développement du langage et du comportement.
Pour mener à bien cette prise en charge, il est nécessaire d’établir un véritable partenariat entre la famille et les acteurs de la rééducation.
Retour sur le travail de Monique Cuilleret, orthophoniste spécialisée et enseignante à l’école d’orthophonie de Lyon.

Ortho-Magazine: Monique Cuilleret, vous avez consacré votre vie professionnelle aux personnes atteintes de trisomie 21, initiant des recherches ou vous en inspirant dans tous les domaines médicaux et paramédicaux concernant la trisomie. Quelle a été votre motivation, alors que vous étiez jeune orthophoniste et psychologue?

Monique Cuilleret: J’étais stagiaire universitaire dans un hôpital de psychiatrie de Lyon lorsque j’ai pris la décision de me consacrer aux enfants et aux personnes atteintes de trisomie. Un jour, j’ai découvert un service d’adultes « mongoliens ». Les plus mobiles étaient attachés au radiateur par des bandes Velpeau. M’approchant de l’un d’eux pour essayer d’échanger, j’ai déclenché une réaction de panique. D’autres demandaient à partir. J’ai pensé immédiatement qu’il fallait agir, même si des tâtonnements risquaient d’être inévitables, car tout était à faire dans ce domaine. Rien ne pouvait être pire que leur situation. Je souhaitais me mettre au service des « plus souffrants ».

Vous avez ensuite collaboré à de nombreux travaux.
De 1963 à 1976-1977, j’ai travaillé seule sur ce sujet; il s’agissait d’un « travail de recherche universitaire ». Outre mes maîtres, Suzanne Borel, Jean Piaget et mes professeurs dans les hôpitaux, Bernard Schott et Alain Morgon, les échanges et réflexions se faisaient avec mon équipe et tous ceux qui travaillaient avec moi; mais j’étais seule face à toute décision. Ce n’est qu’en 1976-1977 que j’ai pu confronter mes travaux et mes hypothèses à ceux d’autres équipes étrangères poursuivant le même objectif.

La prise en charge précoce est votre cheval de bataille. Vous avez été la première au monde à en prendre l’initiative. Par quel cheminement?
Le terme « cheval de bataille » me gêne. Il faut bien voir combien tous ceux qui étaient concernés, surtout les enfants, étaient démunis. Leurs souffrances étaient d’autant plus difficiles à supporter pour l’entourage que nous-mêmes, professionnels, étions désarmés. Il m’est vite apparu qu’à l’âge où nous prenions les enfants en charge (aux environs de sept ans), l’évolution de leur pathologie lourde devenait irréversible, ainsi que la stratégie psychologique des parents. Pour prévenir les conséquences d’une prise en charge tardive, seules deux solutions étaient possibles: attendre que des travaux se mettent en place sur le plan international et nous ouvrent d’autres voies d’approche, ou commencer à travailler avec des bébés dans la double optique de l’aide aux familles en difficulté et l’accompagnement des enfants atteints. Nous pensions, en effet, qu’il fallait les aider avant que des troubles surajoutés par des erreurs éducatives ou des manques de connaissance de la trisomie n’accroissent les difficultés de ces enfants.
En 1972, avec l’approbation du professeur Morgon, j’ai commencé les premières prises en charge précoces mondiales auprès d’un groupe de 18 bébés ayant entre quatre et six mois à cette époque. L’urgence et l’absence de choix m’ont poussée dans l’action. Ensuite nous avons validé nos résultats selon les méthodologies universitaires classiques et les résultats se sont révélés tellement exceptionnels qu’il a paru urgent de permettre à toutes les familles concernées d’en bénéficier. Un protocole global d’accompagnement, de la naissance à l’âge adulte, a été mis en place.
Aujourd’hui deux éléments précis sont apparus:

  • la nécessité de l’aide très précoce, tant pour les enfants que pour les parents, c’est-à-dire dès les premiers mois, voire les premiers jours de vie. C’est l’avenir de ces enfants qui est en jeu sur les plans du comportement psycholangagier et des développements moteur et intellectuel. Il a été démontré qu’une prise en charge langagière avant six mois permettait une évolution intellectuelle très supérieure (gain de 30 poins de QI environ), en comparaison avec un groupe d’enfants non suivis.
    Le rôle des parents est vital; seul un véritable partenariat, mis en place dans les tout premiers temps, évite un comportement réactionnel irréversible;
  • à l’éducation précoce répond l’indispensable accompagnement de l’adolescent. Chez les adultes, les objectifs actuels sont le travail psychosocial et la prévention.

Qu’apporte l’éducation précoce?
L’éducation précoce permet, entre autres:

  • un meilleur développement global de l’enfant;
  • d’harmoniser le développement de l’enfant;
  • d’éviter autant que possible que les évolutions péjoratives spécifiques à la trisomie se mettent en place ou s’aggravent;
  • de grandir dans un meilleur climat affectif, moins angoissé et plus stable;
  • de l’aider à communiquer et à interagir avec le monde extérieur dès ses premiers mois de vie.

A long terme, quels que soient le niveau et les possibilités de l’enfant, les bénéfices sont majeurs pour tous, permettant un meilleur niveau de communication, de prise de parole, un mieux-être dans leur vie et la prise de conscience de leur identité.
Pour être efficace et non dangereuse, l’éducation précoce doit être effectuée par des professionnels spécialisés. Dans certains pays, un diplôme spécifique est exigé; dans d’autres, en particulier au Canada, pour pouvoir prendre en charge un enfant en éducation précoce, les étudiants doivent suivre un an de spécialisation sur le sujet. Mais actuellement, en France, outre un problème de formation des professionnels, la société a parfois tendance à refuser implicitement (explicitement pour certains) de voir les personnes atteintes de trisomie accéder à des vies autonomes, ce qui remettrait en cause des fonctionnements institutionnels bien établis…

L’annonce du diagnostic fait partie intégrante de l’éducation précoce.
L’annonce du diagnostic est déterminante pour toute la vie de la personne atteinte de trisomie et de sa famille. C’est un moment décisif où tout bascule. Dans tous les cas, il y a « meurtre » de l’enfant imaginaire, celui qui n’a pas de problèmes. Dans nos sociétés, donc dans l’imaginaire des mères, avoir un enfant qui va bien est considéré comme un dû, alors que c’est une chance; mais seuls les parents qui ont vécu douloureusement cette annonce du diagnostic le savent. Sans aborder les détails de l’annonce du diagnostic (un chapitre à elle seule), celle-ci se découpe en fait en « deux » annonces: l’annonce médicale, qui a lieu à la maternité, et qui entraîne le deuil de l’enfant fantasmé « normal », et une deuxième annonce, plus tardive, qui est éducative, psychologique, et qui permet une ré-adoption de l’enfant différent.

Vous avez une connaissance approfondie de tout ce qui concerne les enfants atteints de trisomie (troubles neuromoteurs, immunologiques, métaboliques, etc.), dont vous informez très vite les parents.
Une prise en charge efficace et respectueuse de la personnalité et du devenir de chacun demande des connaissances et des compétences qui vont bien au-delà de sa propre spécialité, ne serait-ce que pour pouvoir informer correctement les parents et dialoguer avec eux (note 2).
Sinon, comment, par exemple, faire la part des choses entre une pseudo-fatigue, moyen que l’enfant a trouvé pour éviter le travail, et une vraie fatigue dont l’origine peut être une cardiopathie ou un trouble somatique…? Il faut également savoir que l’apprentissage du graphisme, qui met l’enfant en échec, n’est pas lié à un problème intellectuel mais à un problème moteur.
La plupart du temps, les personnes atteintes de trisomie ne se plaignent pas et ne nous informent pas de leurs souffrances. Afin que l’enfant ne soit plus, comme le disait Jean Piaget, un enfant « éclaté », aux prises avec des « pouvoirs » différents et croulant sous la multitude des exigences, je m’efforce de donner aux familles la possibilité de jouer leur rôle parental, de retrouver une « situation normale ». Il faut qu’elles prennent elles-mêmes toutes les décisions importantes. Il faut faire en sorte que le « triangle d’équilibre », base pagiétienne du développement de l’enfant, puisse se mettre en place le plus vite possible.

Comment aborder des domaines qui sont normalement réservés à d’autres professionnels?
L’échange et la bonne entente entre des professionnels guidés par le seul intérêt de l’enfant sont indispensables. La présence d’un référent unique est un outil tout aussi nécessaire, mais peu connu en France, qui aide à ces harmonisations (note 3). Le référent extérieur aux diverses prises en charge assure les liens entre tous. La prudence est primordiale en plus du respect et de la connaissance nous sommes nombreux à intervenir auprès d’un enfant atteint de trisomie ; il faut éviter les emplois du temps aberrants de certains enfants handicapés, où ceux-ci sont constamment dans le « faire ». Il leur est demandé un surcroît de travail, mais ils doivent aussi trouver le temps d’être eux-mêmes, de jouer et de se reposer. Il arrive un moment où, psychologiquement, ces enfants ne peuvent plus supporter cette situation. Il faut donc savoir moduler.
Il est important d’harmoniser les différentes prises en charge médicale, paramédicale, éducative, scolaire et psychologique, pour qu’il y ait une cohérence autour de l’enfant et non pas un éclatement des demandes. L’ensemble des interventions a un objectif personnalisé et global. Il faut aussi éviter, par exemple, d’effectuer cinq consultations médicales en ORL et aucune chez un cardiologue.
Il est important de pouvoir faire bénéficier tous les enfants, quelle que soit leur situation géographique, d’une prise en charge précoce. Celle-ci doit être le fait de professionnels compétents, c’est-à-dire, dans le cas précis, d’orthophonistes s’étant formées spécialement pour ce genre de prise en charge: il faut, dans le domaine du langage, bien connaître la communication non verbale, savoir repérer l’émergence des intuitions articulées, recevoir les demandes implicites ou explicites de l’enfant, et les particularités du langage à chaque âge. Lorsqu’il n’y a pas de structures de Centre d’action médicale sociale précoce (CAMSP) ou SESAD, ou lorsque le choix parental est tel, c’est aux libéraux d’assurer ce travail. L’équipe doit alors se constituer d’un référent, d’un médecin, d’une orthophoniste, d’un kinésithérapeute. À Lyon, nous formons des équipes sans mur, donc sans la lourdeur administrative d’une structure officielle.

Vous tenez à certains termes: enfant « atteint de trisomie » plutôt que « trisomique », « travail parental » plutôt que « guidance parentale »…
« Guidance parentale » me paraît une expression si péjorative pour la famille que j’interdis à mes étudiants de l’employer. En effet, dans le mot « guidance » sont induites les notions de guide: « être guidé » pour celui qui est censé ne pas savoir, « guider » pour celui qui sait. Implicitement, les parents sont alors guidés par le ou les professionnels. Ces notions sont fausses et péjoratives. Si les parents ont besoin d’aide et de connaissance, ils détiennent un vécu et des informations dont les professionnels ont vraiment besoin pour adapter leur travail. Plutôt qu’un travail de « guide », c’est un travail de partenariat qui permet de progresser, tant pour l’enfant que pour les parents, laissant à la fois la possibilité de rééquilibrer un paysage affectif difficile pour l’enfant et d’apaiser, au moins partiellement, les parents, respectant la personnalité de chacun d’eux et restaurant le rôle parental du couple, qui doit s’approprier le projet.
De même, la formulation « atteint de trisomie » au lieu de « trisomique » permet aux parents de se resituer dans le projet parental. Elle est importante pour aider l’adolescent à composer avec cette réalité: il est né avec cette trisomie, il va vivre et mourir avec. Être trisomique est plus facile à dire qu’à vivre. Il arrive parfois qu’un jeune le verbalise: « Ce que je voudrais, c’est ne plus être trisomique ». Notre objectif est que ces adolescents puissent dire, comme Émilie, « J’ai compris, la trisomie ça n’empêche rien, pas d’avoir sa maison, des copains, un travail, de s’acheter des vêtements, d’aller danser etc., mais ça embête ». Elle avait appris à « faire avec » et à se trouver une personnalité. Tout ce qui était permis aux autres jeunes filles lui était permis, puisqu’elle était une jeune fille « atteinte de trisomie ». Si elle avait été « une trisomique », elle aurait toujours été marginalisée, y compris pour elle-même. Cette dénomination « atteint de trisomie », et non pas « trisomique », est un moyen de reconnaître que la trisomie n’a pas tout envahi, tout détruit dans leur vie.

Vous exprimez ainsi votre respect de la dignité des personnes atteintes de trisomie et de leur famille.

Le respect et la dignité sont pour moi des mots-clefs, tant dans le domaine professionnel que personnel, grâce à des expériences que j’ai vécues dès mon jeune âge et que j’ai tout naturellement utilisées dans mon travail. Sans ces valeurs de respect, dignité, vérité, liberté, notre travail est dénué de sens, sans objet, et l’interaction ne peut se faire. Or, ces échanges sont tellement riches… L’expérience que j’essaie de partager, ce sont eux, ces enfants, jeunes ou moins jeunes qui me l’ont fait acquérir… Tout, au niveau des personnes concernées, des familles, des professionnels, doit se faire dans un échange de partenariat reconnu, donc de respect. Ce respect s’adresse aussi, à l’évidence, aux familles, particulièrement aux parents, frères et soeurs : respect de leurs souffrances, de leur dignité et de leur liberté. Ce n’est pas toujours compatible avec l’intérêt des enfants ni avec les impératifs professionnels, mais ces démarches fondamentales évitent bien des erreurs et laissent aux parents leurs libres décisions, sachant qu’ils me trouveront toujours à leur écoute, disponible, quelles qu’aient été les difficultés antérieures.

Vous avez adopté le terme « psycholangage » pour définir votre travail auprès des enfants atteints de trisomie.
Le psycholangage n’est pas le seul travail à effectuer auprès des enfants atteints de trisomie: nous avons beaucoup d’autres choses à leur apporter. Il est vrai que le travail sur le handicap psycholangagier est des plus importants, les adultes atteints en parlent comme de leur déficit le plus invalidant, c’est en dire l’importance.
Parler d’orthophonie est parfois mal compris et peut-être imprécis. En reprenant ce terme de « psycholangage » déjà employé par Jean Piaget et Paule Aimard, je montre qu’au-delà des aspects rééducatifs, les objectifs de communication, d’interactions et d’éducation priment. Chez un bébé, on ne fait qu’éduquer, que faire émerger un langage dont l’oralisation n’est que l’un des aspects. Et la parole, pour être comprise, doit faire appel à bien d’autres paramètres.
J’ai aussi opté pour le terme « psycholangage » parce qu’il est mieux accepté et mieux compris par les professionnels non spécialistes de la trisomie. J’ai découvert ensuite que ce terme amenait certaines jeunes orthophonistes à l’idée que la prise en charge langagière d’un enfant, surtout s’il est petit, n’est pas une technique de rééducation orthophonique habituelle; elle est beaucoup plus vaste que la prise de parole. Le bébé, en jouant avec les sons, trouve sa propre prise de parole et il doit rester le créateur de son langage. Jean Piaget dit qu’à la fin de la période sensorimotrice, l’évolution intellectuelle se met en place en même temps que le langage. Cette prise en charge est donc fondamentale, quel que soit l’âge de l’enfant, et exige une progression rigoureuse.

D’où l’importance pour vous de transmettre votre savoir et votre pratique aux professionnels.
Transmettre le savoir est pour moi capital. Ce que nous avons appris doit être mis au service des enfants ou adultes atteints de trisomie. Ils n’ont pas besoin de pitié mais de compétences, et seuls des professionnels avertis peuvent transmettre ce qu’ils ont appris et découvert et, au-delà, progresser vers des avances nouvelles. Beaucoup perdent leur temps à retrouver ce qui est déjà connu. Le langage ou psycholangage doit être le fait des orthophonistes et, j’insiste, d’orthophonistes formées dans cette discipline. Je trouve dommage que de jeunes orthophonistes sortent de l’école sans formation précise, voire sans ouverture vers les handicaps génétiques ou mentaux…
Les personnes atteintes de handicaps d’origine génétique ont besoin d’orthophonistes spécialisées. Or, en France, le diplôme de compétence en orthophonie spécialisée n’existe pas et l’on n’a pas suffisamment expliqué aux orthophonistes l’importance de leur rôle auprès de ces personnes. Certaines orthophonistes refusent encore la prise en charge d’enfants déjà grands (deux ou trois ans) sans les adresser à une orthophoniste compétente et sans informer les parents de l’urgence d’une telle prise en charge, souvent parce qu’elles-mêmes n’en n’ont pas conscience… Mais dans de tels cas, ne faudrait-il pas avoir le souci de réorienter les familles vers d’autres professionnels compétents, ou de chercher soi-même à apprendre? L’avenir de ces jeunes dépend de cela, mais l’avenir du métier d’orthophoniste aussi. Tout travail de langage ou de communication devrait être le fait de l’orthophoniste.

Notes:

  1. Travaux réalisés parallèlement par C. Cohen à Boston, Juan Perera à Barcelone, Jean-Adolphe Rondal à Liège, sur trois langues différentes: anglais, espagnol et français.
  2. Compétences et référent selon la conception de Monique Cuilleret.
    – Les étudiantes de l’école d’orthophonie de Lyon ont d’emblée l’attestation de compétence, car l’enseignement comprend, depuis une dizaine d’années, un grand nombre d’heures de cours magistraux et de travaux dirigés sur la trisomie (par exemple actuellement, pour les cours magistraux, 15 heures en 2ème année, 20 heures en 3ème année, 17 heures en 4ème année).
    – La formation continue avec Monique Cuilleret donne accès à « une attestation d’études » (qui a la valeur d’un 3ème cycle et qu’on peut faire apparaître sur le papier à en-tête).
  3. La formation de référent est une formation complémentaire qui permet à l’orthophoniste de travailler auprès de la personne atteinte de trisomie, de la famille et des professionnels qui l’aident. Le référent veille, oriente et guide le suivi de la personne par un rôle d’écoute et de conseil, sans jamais s’impliquer directement dans les actions menées et sans se substituer aux différentes prises en charge.

Monique Cuilleret a notamment publié:

  • Les trisomiques parmi nous, Simep éditions, 1981;
  • Orthophonie, documents et témoignages; prises en charge, Masson, 1987;
  • Trisomie 21, Aides et conseils, Masson, 2000,
  • Importance des aides à la petite enfance; éducation précoce, collectif CNE, 2000

Trisomie 21, un peu d’histoire

  • 1864-66: première description morphotypique du syndrome par un médecin britannique, Langdon Haydon Down, qui va définitivement lui donner son nom selon les normes de la classification internationale: Down syndrom (DS).
  • 1909: l’Académie de médecine reprend la description de Down et emploie le terme de « mongol » pour qualifier des personnes ayant des difficultés de vie quotidienne (« mongolien »). Ce terme restera ensuite dans tous les écrits de langue française: on le retrouve, par exemple, entre 1934 et 1939, sous la plume du Pr. Pinet, lors des premières publications de la théorie hérédo-syphillitique, concernant la propagation de ce qui était devenu entre temps « une maladie de l’enfant ». Puis en 1949, dans des écrits de Lécuyer; en 1952, Bernheim l’emploie pour publier sa « théorie du hasard ». On le retrouve ensuite de façon constante dans beaucoup de publications Suzanne Borel-Maisonny, Marie de Maistre…
  • 1959: l’équipe de Marthe Gauthier, Raymond Turpin et Jérôme Lejeune découvre le chromosome surnuméraire au sein de toutes les cellules des personnes atteintes de trisomie. Jérôme Lejeune décide de changer le nom international et impose dans les pays de langue française le terme de « trisomie ». Pendant longtemps, les deux terminologies coexistent dans certains pays francophones, puis peu à peu le terme de trisomie s’impose, sauf peut-être en Belgique où le terme « mongolien » continue à être employé couramment.

Deux ou trois choses que je sais d’elle…

Nous ne reviendrons pas sur la vocation de Monique Cuilleret, qui a entrepris avec détermination une recherche qui allait engager toute sa vie professionnelle. Il y a bien sûr des motivations personnelles profondes telles « le désir, dès la classe de 4ème, de s’occuper d’enfants en difficulté », qui s’enracinent très tôt, peut-être dans « une petite enfance inhabituelle ». Des choix familiaux l’amènent dans des directions un peu éloignées (qui s’avèrent un jour utiles!): études de médecine et études dentaires…

L’âge de la majorité permet de retrouver le chemin des enfants en difficulté. C’est la rencontre avec Suzanne Borel-Maisonny, avec d’un seul coup « la multiplicité des ouvertures offertes par ces connaissances nouvelles » et la magie d’une époque durant laquelle naissent des convictions et du génie, dans le domaine encore peu exploré de ces enfants handicapés. Suzanne Borel conseille à Monique Cuilleret de cumuler les études d’audiophonologie qu’elle entreprend avec une licence de physique, afin d’obtenir le diplôme d’audioprothésiste, et des études de psychologie (diplômes en 1967 et 1968). Durant ses études, le stage en psychiatrie chez le Pr Bernard Schott à l’Hôpital neurologique de Lyon (69) est déterminant. Deux recherches lui sont confiées en 1964 (dont: « Profil psychologique de l’enfant mongolien ») à la suite des découvertes de l’équipe Gauthier-Lejeune-Turpin. À partir de ce moment, elle assume rapidement de nombreuses responsabilités.

Les résultats obtenus dans le cadre de l’Inserm entre 1965 et 1970 (deux travaux de recherche psycholinguistique effectués à l’Hôpital Édouard Herriot à Lyon, dont « Les possibilités rééducatives de l’enfant trisomique »), lui « ouvrent de telles perspectives pour les enfants » qu’elle souhaite «s’évader du cadre confiné de la recherche pure »: Monique Cuilleret crée alors la première association française pour l’insertion des personnes atteintes de trisomie puis la première classe française spécialisée intégrée. Elle débute également un travail d’éducation précoce auprès d’un groupe de 18 bébés de moins de six mois. « Depuis, je n’ai jamais changé d’objectif: aider le mieux possible avec tous les moyens, connus ou en mouvance, ces personnes atteintes de trisomie ou de maladies génétiques rares. Ce travail auprès des plus démunis (leurs richesses et leurs possibilités dérangeaient, malgré les mises en évidence scientifiques), me correspondait et me permettait de me mettre à leur disposition. Pendant des années, malgré mes recherches et l’accès aux travaux internationaux que l’université me permettait, je n’ai pas connu d’autre équipe s’intéressant aux mêmes problèmes. Je travaillais donc seule. En 1976, je fis connaissance de l’équipe Bonjean-Rondal, qui commençait à travailler sur ce sujet. Une autre ère de travail, dans l’échange, commençait: d’autres équipes internationales s’ouvraient ».

Actuellement, Monique Cuilleret n’hésite pas à proposer son expérience et sa disponibilité dans toute la France. Elle prend facilement « son bâton de pèlerin et sa valise » pour répondre à une demande de bilan ou de référent, donner des formations ou des conseils…

Monique Cuilleret a ouvert, en 1991, un cabinet libéral en tant que psychologue, pour proposer des « bilans, conseils pour personnes atteintes de trisomie » à La Maison médicale Saint-Priest (69).

 


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