Publié le 16 août 2011
Intégration scolaire – Une école pour tous
5 sptembre 2002 – Lausanne-Cité – André Sprenger
La rentrée scolaire est un fait acquis pour la majorité des cantons romands. Pour plus de 400 enfants, la rentrée a été particulière puisque ce sont des enfants handicapés. Les classes dites normales n’acceptent pas, en règle générales, les enfants qui ne sont «pas comme les autres». Mais, heureusement, il y a des exceptions.
L’intégration des enfants handicapés dans les classes scolaires progresse. Il reste cependant encore un long et constant travail. Et pourtant c’est bénéfique pour mieux se comprendre les uns et les autres.
Julien a commencé l’école la semaine dernière. Il était anxieux comme la plupart des enfants de son âge. Ses parents avaient aussi quelques inquiétudes puisque Julien était séparé des enfants de son village. En effet, l’école locale n’accepte pas encore les enfants comme Julien, avec un handicap. Pourtant ils sont plus de 400 enfants en Romandie qui quittent leurs camarades de jeux pour entrer en classe spéciale, voire en institution à cause d’un handicap. Cela souvent aussi contre le désir de leurs parents. AGILE, Association faîtière de l’entraide du domaine du handicap, s’engage pour que cette discrimination disparaisse.
La priorité est le bien des enfants
Dans leur ouvrage: «Intégration: l’école en changement», Isaline Panchaud Mingrone et Heidi Lauper, Editions Paul Haupt Berne expliquent que «de plus en plus de parents souhaitent que leur enfant handicapé puisse vivre de la manière la plus normale et la plus autonome possible». Elles poursuivent: «Ils mettent tout en oeuvre pour que leur fille ou fils ne soit pas mis à l’écart de la société. Et parce que les enfants apprennent facilement les uns des autres, qu’ils sont ouverts et curieux, de plus en plus de parents souhaitent aussi que leur enfant en situation de handicap fréquente les mêmes groupes de jeux, les mêmes crèches et les mêmes écoles que les autres.» Mais attention ajoutent les auteurs: «Cette demande se heurte encore très souvent à l’incompréhension et à des préjugés. La démarche pour l’intégration est longue et difficile.»
Flavien est heureux
Flavien à dix ans. Il est atteint de trisomie 21. Il vient de commencer sa quatrième année primaire au Mont. Sa maman, Sophie Mattenberger, nous explique comment cette expérience enrichissante se déroule: «En 1997, il a déjà commencé par fréquenté l’école enfantine. Ensuite l’école primaire où il est intégré à 80%. Il est utile de préciser que compte tenu de son handicap, il doit suivre quelques cours particuliers. Deux jours et demi par semaine, une enseignante détachée d’une école spécialisée se rend à l’école du Mont. Avec ce système il bénéficie d’un certain soutien.» Sophie précise encore que: «Flavien travaille en tutorat, c’est à dire que l’enseignant demande à un autre élève de collaborer avec Flavien. Il est évident que le programme est adapté à son handicap Flavien n’a pas les même mode de compréhension que les autres camarades.» Nôtre interlocutrice insiste sur un des éléments positifs de cette méthode. «Il est évident que pour les autres enfants il s’agit aussi d’un ajout. Ils comprennent mieux les problèmes des enfants qui ont des difficultés physiques ou mentales. Ils prennent aussi conscience que selon les aléas de la vie, chacun peut un jour se retrouvé handicapé, à la suite d’un accident par exemple. Cette intégration stimule aussi Flavien qui apprend par lui-même, en observant les autres, que lui aussi est capable de faire des choses qui de prime abord lui semblaient presque impossibles.» Sophie est aussi convaincue,que: «Ce système d’intégration favorise indubitablement l’apprentissage de la tolérance. Mais en amont les parents des enfants non handicapés acquièrent eux aussi une meilleure compréhension des problèmes que les parents d’un enfant handicapé ont à affronter.» Mais une telle expérience déborde le cadre de l’école, comme nous l’explique Sophie Mattenberger. «Cette intégration déborde le cadre de l’école puisque Flavien est aujourd’hui capable de se déplacer seul en bus dans la commune. Il apprend aussi à connaître les gens et les gens apprennent à le connaître. Il comprend mieux les règles de vie en société. Je dois le dire, Flavien est heureux parce qu’il ‘se sent un enfant reconnu.» Mais attention précise notre interlocutrice: «Ce travail d’approche et ensuite d’accueil, n’est pas allé et ne va pas sans difficultés. Il faut: constamment se battre pour que dans tous les domaines de la société, on accepte de reconnaître les droits des handicapés à une vie normale. Il est révolu le temps où l’on parquait les handicapés dans des maisons, presque closes à l’écart du public. Il fallait cacher le handicapé. Or qui peut dire qu’un jour il ne se retrouvera pas lui-même, de l’autre côté de la barrière?»
Une praticienne témoigne
Depuis vingt ans, Dominique Vallat suit des enfants handicapés de la vue, de l’école enfantine jusqu’au secondaire. Son expérience et son pragmatisme confèrent à ses considérations, une aura particulière: «Ce n’est qu’à partir de 1980 environ que les parents d’enfants handicapés de la vue commencent à s’organiser» déclare t-elle. A partir de 1985 il y a une personne, qui fait partie du service pédagogique itinérant oui s’occupe de 2 ou 3 élèves. Aujourd’hui il y a une centaine d’élèves qui sont intégrés dans les classes. Il faut aussi savoir que tous les enfants qui sont atteints de problèmes visuels le sont à des degrés différents. On ne peut donc pas appliquer les mêmes méthodes à tous les enfants.» Notre invitée précise encore que: «Il est évident que pour certains cours spéciaux, je pense en particulier aux enfants qui doivent apprendre le braille, ils ne peuvent le faire que dans une institution spécialisée. Il y a aussi des parents qui ne désirent pas que leurs enfants fréquentent les classes normales. Ils placent leurs enfants dans des organismes qui ne s’occupent que des handicapés. Mais il est certain que dans la mesure où l’on peut intégrer les enfants, c’est une ouverture autant pour les enfants normaux que pour les enfants handicapés. C’est une source d’échanges considérable et surtout un formidable apprentissage de la tolérance. Encore une précision importante: plus jeune se fait l’intégration plus elle a des chances de réussite.»
Attention il y a danger
Dominique Vallat confirme: «Il a fallut un certain temps pour changer les mentalités. Faire admettre par certains milieux que l’ostracisme à l’endroit des handicapés n’était plus concevable ne fut pas une sinécure. Mais aujourd’hui la conviction est faite que cela a conduit à une meilleure compréhension entre valides et invalides et à un changement des mentalités. Il a aussi fallu procéder à certains aménagements qui ont occasionné des coûts. Mais n’est-ce pas aussi le rôle de l’État de veiller à ce qu’aucune catégorie sociale ne soit prétéritée?» Mais attention car comme le dit Dominique: «Aujourd’hui nous sommes constamment confrontés aux questions de financement. Il faut constamment quémander, justifier, solliciter et cela devient pénible car il faut consacrer beaucoup d’énergie à des activités administratives.» Notre spécialiste poursuit: «Comment Voulez-vous que dans une classe qui est déjà surchargée on puisse encore demander aux enseignants de consacrer du temps à des enfants handicapés? Il faut ajouter que certains enfants handicapés demandent une attention beaucoup plus grande que les autres enfants. Pour éviter une surcharge physique, intellectuelle, votre morale, il faut aussi accorder quelques avantages aux enseignants qui acceptent les élèves. Comme il faut aussi que ces derniers puissent se rencontrer pour échanger leurs expériences, Et là aussi, il y a des lacunes.» Dominique précise cependant que depuis peu de temps il y a des modules de préparation à l’approche des handicapés qui sont prévus dans les programmes de formation des enseignants.
Il y a en effet péril en la demeure. Si l’expérience d’intégration devait échouer ce serait dramatique. Le problème ne serait que déplacer puisqu’il faudrait recréer des classes spéciales pour les enfants handicapés. Dès lors, c’est au monde politique de prendre ses responsabilités et d’accorder les moyens nécessaires pour que ce système continue à fonctionner. La célèbre et fumeuse formule des caisses vides serait un leurre et un prétexte fallacieux. L’employer pour mettre un terme à cette intégration serait indigne du monde politique et le discréditerait encore un peu ples. Sophie Mattenberger a créé, il y deux ans, une association de parents d’enfants souffrant de trisomie 21.