Début du contenu

Publié le 7 juillet 2011

Les mille facettes du chromosome 21

17 novembre 2005 – L’HebdoEG

Dans les gènes de ce chromosome, des chercheurs genevois espèrent trouver des pistes pour le traitement de la trisomie.

Imperceptiblement mais sûrement, la médecine entre, elle aussi, dans l’ère de la génomique. L’achèvement, l’année dernière, du décodage du génome humain n’a pas marqué la fin de l’aventure. Au contraire, l’heure est maintenant venue de passer à la vitesse supérieure et de décrypter, pour les comparer, les patrimoines héréditaires de milliers de personnes. L’objectif est de repérer ces petites différences qui font de chacun de nous un individu unique. Mais aussi de comprendre l’origine des maladies les plus diverses, de l’athérosclérose au diabète, en passant par la sclérose en plaques, la schizophrénie ou les troubles maniaco-dépressifs et bien d’autres. Histoire, bien sûr, de mieux s’attaquer aux racines de ces maux. Mais comment les chercheurs s’y prennent-ils? L’étude du chromosome 21, devenu tristement célèbre à cause de la trisomie portant le même numéro, est une parfaite illustration de leur démarche et de leurs attentes.

Si les chromosomes avaient des noms, celui-ci pourrait s’appeler «chromosome Antonarakis». Stylianos Antonarakis, responsable du département «médecine génétique et développement» de l’Université de Genève, a fait de ce chromosome 21 «la grande affaire de [sa] vie», et cela fait une vingtaine d’années qu’il l’étudie sous toutes les coutures. C’est ainsi que son équipe a largement participé au séquençage de ce chromosome, décodant quelque cent trente des deux cent cinquante gènes qu’il contient.

L’étape était importante, mais ce n’était qu’un premier pas pour qui voulait comprendre l’origine de la trisomie 21, également nommée le syndrome de Down. Le fait est acquis depuis une cinquantaine d’années: ce retard mental et les autres troubles qui lui sont associés se manifestent chez les individus nés avec trois copies du fameux chromosome, au lieu de deux comme c’est la norme. Mais à quel moment de la conception y a-t-il eu «erreur de parcours»? La réponse est venue du laboratoire genevois. «Dans 90% des cas, le dysfonctionnement est d’origine maternelle», explique Stylianos Antonarakis; il apparaît au premier stade de la méiose, lorsque les deux brins du chromosome maternel se séparent. Dans 5 à 6% des cas, le même phénomène se produit du coté paternel et pour le reste, le dérèglement se produit quelques divisions cellulaires plus tard.

Problème de dosage Cela ne veut pas dire pour autant que l’ensemble du génome soit responsable de l’apparition du syndrome de Down. On ne sait pas combien de gènes sont impliqués dans l’affaire: peut-être «dix ou vingt», estime le chercheur. Quoi qu’il en soit, son équipe est bien décidée à les repérer, et surtout à comprendre à quoi ils servent, en d’autres termes, à trouver les protéines dont ils dirigent la fabrication. Car c’est là la condition nécessaire, même si elle n’est pas suffisante, pour songer à d’éventuelles thérapies. La trisomie 21 est en quelque sorte «un problème de dosage»: les personnes qui en sont atteintes héritent d’un surnombre de copies du chromosome 21, mais celles-ci sont parfaitement «normales» et produisent des protéines qui le sont tout autant. Simplement, il y en a trop. D’où l’idée d’éliminer ces protéines en excès ou encore d’élaborer des médicaments qui pourraient les inactiver. «Je suis optimiste, précise Stylianos Antonarakis. Je pense que l’on pourra trouver des thérapies contre le retard mental; sans doute pas demain, mais après ma retraite», précise cet homme de 54 ans.

Juste retour des choses: si le chromosome 21 est le facteur de trouble du syndrome de Down, il pourrait aussi renfermer les clés qui permettront de le traiter. Mais il y a plus encore car si ce chromosome est, dans l’esprit de tous, associé à la trisomie, son rôle ne s’arrête pas là. Deux de ces gènes, récemment identifiés par l’équipe genevoise, ont été jugés responsables l’un d’une forme d’épilepsie, l’autre d’une surdité. D’autres encore ont été localisés qui interviennent dans la cécité, le vieillissement prématuré, la maladie d’Alzheimer précoce ou encore le bégaiement. Entre autres. Autant dire, comme le souligne Stylianos Antonarakis, que ce chromosome «est une mine» pour la recherche. Un véritable filon aussi pour la médecine, qui devra désormais compter avec la génomique. | EG

 


Début de la marge


Début du pied de page