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Publié le 8 juillet 2011

Trisomie 21: faciliter l’intégration

12 juillet 2007 – Echomagazine – Geneviève de Simone-Cornet

Le syndrome de Down ou trisomie 21 est encore trop souvent synonyme d’exclusion scolaire et sociale. Pourtant, les personnes qui en sont atteintes sont de plus en plus autonomes et visibles dans notre société. Le premier congrès national, tenu ce printemps à Fribourg, a permis de faire le point et de rassembler familles, amis et spécialistes.

Les chiffres font frémir: en Suisse, un diagnostic prénatal révélant une trisomie 21 conduit à un avortement dans 95% des cas. Et si la trisomie n’est avérée – et donc annoncée – qu’après la naissance, les parents ont de plus en plus de mal à accepter la réalité. Pourtant, les risques de trisomie chez le foetus augmentent avec la progression de l’âge moyen des couples et du fait que la décision d’avoir un enfant se fait souvent une fois la carrière professionelle assurée. En outre, la venue au monde d’un enfant trisomique pèse sur la vie de famille et la prise en charge est insuffisante dans notre société.

En dépit de la pression sociale, des couples refusent le diagnostic prénatal et prennent le risque d’avoir un enfant trisomique, qu’ils accueillent dans la famille; d’autres, surpris à la naissance – l’acceptation n’est jamais facile –, gardent l’enfant chez eux; d’autres enfin adoptent un enfant trisomique pour lui donner de meilleures chances dans la vie. Par conviction religieuse ou parce que l’enfant a été longtemps attendu et que sa venue au monde est un don.

Premier congrès national

Ces familles, souvent stigmatisées par la société, s’étaient donné rendez-vous au premier congrès suisse organisé par l’Association romande trisomie 21 (voir encadré), Edsa Suisse et Insieme à l’occasion la 2e Journée mondiale de la trisomie 21 ce printemps à Fribourg sur le thème «Aussi de la partie!»; elles étaient entourées d’amis, de chercheurs, de médecins et d’éducateurs. Une journée pour faire le point sur la recherche médicale, l’intégration scolaire et la prise en charge sociale des personnes trisomiques. Une journée, aussi, pour se retrouver et échanger. Les personnes trisomiques étaient à l’honneur avec des témoignage d’adultes relativement autonomes, l’exposition de tableaux d’Emilie Frosio et Denis Piccand et une production du théâtre HORA, qui encourage le développement artistique chez les personnes handicapées.

Leur intégration reste toutefois problématique, et elle est liée à une volonté politique. La conseillère nationale Thérèse Meyer-Kaelin, membre du comité d’Insieme, l’a souligné dans son mot de bienvenue: «Mon engagement politique poursuit deux buts: favoriser l’intégration sociale des enfants trisomiques en leur ménageant une place dans les filières scolaires normales et obtenir une aide financière facilitant leur accès au monde du travail. Car chaque personne est unique, elle a une valeur inestimable».

Intégrer… jusqu’où?

L’intégration fut le maître-mot de la journée. Il a pris des accents militants dans la bouche du professeur Georg Feuser, de l’Université de Zurich. Ce pionnier du développement de l’intégration dans l’espace germanophone n’a pas mâché ses mots: «L’intégration est la meilleur forme de scolarisation. Mais elle exige une refonte du système scolaire actuel qui sélectionne sur la base de performances normatives et au nom d’une fiction, l’élève type, et nie ostensiblement les acquis des sciences sociales. Seulement, la ressource centrale, la disposition à changer, fait défaut».

Georg Feuser en est convaincu: «Refuser l’intégration c’est s’opposer aux droits de l’homme et ne pas assumer ses responsabilités. Chaque être humain est unique, il fait partie de la société. Où est l’égalité des chances?» Pour lui, seule l’intégration des personnes handicapées est à même de stopper la spirale de la sélection, qui marginalise.

Intégrer oui, mais comment? «Les enfants d’une même classe ont un but commun, mais chacun travaille selon son niveau de développement, apprend à sa façon et reçoit le soutien dont

il a besoin.» Et ça marche… moyennant un suivi personnalisé et donc des ressources financières et en personnel. Mais les expériences menées restent isolées faute de volonté politique et de formation des enseignants. C’est donc aux parents à faire pression.

Vieillissement

Autre volet abordé: la recherche sur le génome pour mieux comprendre la trisomie 21. Depuis décembre 2006, l’Université de Genève gère un projet qui associe 16 institutions du continent et environ 65 chercheurs. Soutenu par la Communauté européenne à raison de 12 millions d’euros sur 4 ans, il poursuit plusieurs objectifs: recherche pure, technologie, informatique, éthique, formation, communication.

Les personnes trisomiques vivent plus âgées aujourd’hui grâce notamment à une meilleure prise en charge, a relevé Jean-Luc Lambert, professeur à l’Université de Fribourg. L’âge moyen a augmenté de 9 ans depuis 1929 et le processus est irréversible: de plus en plus de trisomiques vont vieillir.

Comment répondre à ce défi? Le conférencier a donné des pistes: proposer un développement qui correspond aux besoins de la personne, lui trouver d’autres centres d’intérêt; valoriser son histoire personnelle; resserrer les liens entre les structures; maintenir les relations avec sa famille; aménager horaires et loisirs; préparer sa retraite; parler de la mort. «Le droit de la personne trisomique à être aidée et à conserver sa dignité doit interroger les familles et les professionnels et susciter la collaboration, a relevé le professeur. Car il faut toujours lutter contre le fatalisme, l’intolérance et le rejet.»

«Aussi de la partie» avec le concours de chacun: ce n’est qu’ainsi que les personnes trisomiques auront toute leur place dans la société. ///


Art 21, un soutien

La trisomie 21 ou syndrome de Down – du nom du médecin britannique Langdon Down, qui le premier en a décrit les particularités en 1866 – est le fruit d’un hasard chromosomique: la personne qui en est porteuse a un chromosome en surnombre sur la 21e paire de chromosomes. Cette anomalie touche une naissance sur 700. La majorité des personnse trisomiques adultes peuvent mener une vie indépendante dans un cadre approprié.

L’Association romande trisomie 21 (ART 21), fondée en 2000, regroupe, soutient et informe les parents. Elle travaille en partenariat avec les intervenants des milieux scolaires, médicaux et sociaux. Elle favorise l’échange par le biais d’activités diverses: pique-nique et sortie à skis annuels, conférences, réunions, débats, rencontres sociales et culturelles, sorties. Elle offre un centre de documentation et des programmes de stimulation.

ART 21 sensibilise aussi la population et interpelle les milieux scolaires, médicaux et sociaux. Elle encourage l’intégration sociale et scolaire des personnes atteintes de trisomie 21 et favorise leur développement physique et intellectuel. Elle regroupe environ 75 famillles et 150 membres amis.

ART 21, Association romande trisomie 21, Case postale 2, Le Mont-sur-Lausanne. Tél. 079 515 22 21. Site Internet: www.t21.ch. Courriel: E-Mail: Contacter par courrier électronique. GdSC


Tristan: une histoire d’amour

Assis à côté de moi dans la cuisine, Tristan me regarde de ses yeux malicieux et attrape mes doigts avec un plaisir évident. Il a deux ans dont onze mois d’hôpital derrière lui: s’il est là aujourd’hui, c’est un miracle de la vie; c’est aussi grâce à la ténacité de ses parents.

Eric et Monica se marient en 1995. Leur désir d’enfant ne se concrétise que 8 ans plus tard… pour se terminer par une fausse couche. Monica a du mal à s’en remettre. En 2004, à 32 ans, elle est à nouveau enceinte: l’espoir renaît. Le couple a décidé de garder l’enfant «sauf s’il faut pratiquer un acharnement thérapeutique. J’avais trop souffert d’avoir perdu un enfant pour ne pas me battre». Au fil des échographies, les doutes se précisent et mi-janvier 2005, le verdict tombe: Tristan est atteint de trisomie 21, il souffre d’une grave malformation cardiaque – symptôme souvent lié à la trisomie – et son œsophage est collé à son estomac.

C’est le choc. Monica est effondrée: «C’était irréel. Sur le moment, je ne voulais rien entendre». Les questions viennent aussitôt, inévitables: «Au début, je me culpabilisais: mais qu’ai-je donc fait pour avoir un enfant trisomique? Curieusement, ma première question était: cet enfant, que deviendra-t-il plus tard?»

La nouvelle fragilise le couple: «On ne trouvait pas les mots pour en parler: je gardais mes distances; Monica, elle, avait besoin d’en parler et je ne lui en donnais pas la possibilité», avoue Eric. Fallait-il vraiment garder cet enfant? «Dans ma famille, affirme Monica, ça allait de soi. Pas pour des raisons religieuses, mais parce qu’il ne nous serait jamais venu à l’esprit de nous en débarrasser.»

Il faut se faire à l’idée d’accueillir un enfant différent. Le choix, même réfléchi, n’aplanit pas les obstacles médicaux, administratifs et psychologiques. Il est aussi remis en cause autour d’eux: «Plusieurs parmi nos amis ne comprenaient pas que nous puissions vouloir mettre au monde un enfant qui n’aurait pas toutes ses chances dès le départ, explique Monica. Notre décision en a éloignés beaucoup, mais elle nous a permis de nous en faire de nouveaux».

Commence un long chemin d’accompagnement ponctué de nombreuses visites chez le cardiologue. Tristan vient au monde par césarienne le 22 avril 2005, à 7 mois de grossesse. Il est immédiatement pris en charge au CHUV. Il ne sera accueilli à la maison que le 17 mars 2006. Entre-temps, il aura subi une opération du cœur. Ses parents vont le voir tous les jours: une épreuve ponctuée de moments de déprime et de révolte.

Tristan une fois à la maison, la vie s’organise autour de lui: Monica cesse son activité professionnelle pour se consacrer à lui. Le couple adhère à ART 21 pour partager avec d’autres parents et pour que Tristan, en grandissant, ne soit pas seul. Monica entre au comité peu après et crée dans le canton de Vaud un groupe de parents d’enfants trisomiques d’âge préscolaire: «Nous avons besoin de nous retrouver pour échanger et nous stimuler. Car les choses ne changeront que quand les parents concernés s’engageront».

Que leur a apporté cette expérience? «Elle a changé notre existence. Nous avons conscience de la valeur de la vie et nous profitons de chaque instant, nous prenons le temps de vivre. Tristan est notre joie de vivre. Nous sommes convaincus qu’il nous a choisis et que nous l’avons choisi. Et puis, il ne serait plus Tristan s’il était différent: la trisomie fait partie de lui». Leur vœu le plus cher? «Qu’il vive sa vie et soit heureux. Qu’il trouve sa place dans la société et soit accepté tel qu’il est». ///

Recueilli par Geneviève de Simone-Cornet


 


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