Publié le 8 septembre 2011
A nos amis, familles et connaissances
Bonjour,
C’est moi, Romain, le dernier venu de la famille Suter. Je vous écris personnellement, car il faut que vous sachiez une chose à propos de laquelle mes parents ont encore un peu de peine à communiquer. Ça viendra, mais c’est encore un peu frais pour eux.
Allons droit au but, je suis trisomique 21. Je suis habitué, je l’ai su tout de suite, dans le ventre de ma maman. Pour mes parents, par contre, le choc fut considérable. La nouvelle tomba au huitième jour de mon existence, alors qu’ils se réjouissaient de tous mes progrès depuis ma venue au monde passablement chaotique. Et comme ça ne se voit pas du tout pour l’instant, ils n’avaient aucun soupçon.
Les premières 24 heures furent les pires. Les rêves qu’ils avaient pu formuler pour notre famille volaient en éclats, laissant place à l’incrédulité, au doute, à la révolte. Pourquoi moi? Pourquoi eux? Qu’allions-nous devenir?
Quelques jours ont passé et mes parents se sentent mieux. Mon handicap reste encore quelque chose de relativement théorique pour eux, car il n’a presque pas d’impact sur ma vie actuelle, si ce n’est que je suis un peu lent à me nourrir par moi-même. Il leur est donc encore difficile de réaliser ce que cela va impliquer et cet inconnu leur cause une certaine angoisse.
Néanmoins, ils ont reçu, en très peu de jours déjà, de nombreux témoignages de soutien, notamment de personnes connaissant les trisomiques et les assurant que nous sommes des gens formidables. Cet élan de solidarité leur a fait beaucoup de bien et ils me semblent être repartis d’un bon pied, même si la jambe est encore un peu tremblante.
Ce qu’ils souhaitent avant tout, et j’abonde dans leur sens, c’est que vous continuiez à vous réjouir de ma venue et que vous m’acceptiez parmi vous avec enthousiasme.
Ne laissez pas tarir vos vœux ni vos félicitations.
Vous aurez certainement envie de témoigner de votre compassion. Mes parents sont actuellement débordés de téléphones et vous comprendrez certainement qu’ils aspirent à un certain calme afin de rassembler leurs esprits. Merci donc, de ne pas les appeler, les autres formes de communication (lettre, mail, SMS) étant les bienvenues.
Certains d’entre vous étaient au courant, mais j’ai choisi de vous envoyer cette lettre quand même, afin que vous sachiez où en sont mes parents et comment ils ont choisi de parler de moi pour l’instant. D’autres parmi vous ont essayé de les contacter récemment, sans savoir ce qu’il se passait, et ont été sans doute surpris de leur silence. J’espère qu’ils comprendront à la lecture de ce mot.
Ma sœur et mes parents sont impatients de ma sortie de l’hôpital et se réjouissent de pouvoir me présenter à vous tous.
Romain
(2005)